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Le jardin de Minerve
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  • Quand la géopolitique et la stratégie militaire sont vues avec les yeux d'une femme... J'ai 20 ans d'expérience professionnelle dans ces domaines et un doctorat sur les conflits asymétriques. Libre utilisation des informations mais citez ce blog.
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16 janvier 2019

UNE APPROCHE HISTORIQUE DE LA FIN DU SYSTEME POLITIQUE ETAT-NATION

L’Etat-nation est un système politique qui se caractérise par une dépersonnalisation du pouvoir et par l’existence d’un contrat social qui donne aux institutions politiques le monopole légitime de l’utilisation de la force et de la coercition.

L’individu, en tant que citoyen de l’Etat-nation, doit sa loyauté en premier lieu aux institutions de l’Etat-nation, avant toute autre organisation ou corporation, y compris sa famille ou sa religion. C’est pour ces raisons que Schmitt définit l’Etat-nation comme la seule unité politique, c'est-à-dire qui a autorité pour désigner une autre unité politique comme l’« ennemi collectif » ou hostis et de mettre en œuvre des actions de coercition pour défendre les intérêts collectifs et ce, au nom de l’ensemble de ses membres.

Aujourd’hui, on assiste à la montée en puissance d’un système politique néo-féodale caractérisé par des individus qui appartiennent à des multiples groupes sociaux, à une sortie du contrat social de la part de certains individus et à la montée en puissance d’autres unités politiques que l’Etat-nation. Par ex. aujourd’hui on peut poser la question si l’ennemi principal pour certaines personnes est celui indiqué par l’Etat ou le concurrent de l’entreprise pour laquelle ils travaillent ? Face au phénomène terroriste, on peut se poser la question si les terroristes appartiennent encore à l’Etat-nation ou elles en sont sorties vu qu’elles ne respectent plus le contrat social qui lie l’Etat et ses citoyens. De même, face à la montée en puissance de société militaires privées et des sociétés privés de sécurité on peut se poser la question du monopole légitime de la violence de la part de l’Etat-nation.

Dans les années 70, un ensemble d’événements concomitants a provoqué des bouleversements profonds dans les relations internationales et dans ses acteurs traditionnels. Le développement technologique et la crise économique ont sapé le système politique « Etat-nation » sur tous les plans. Cet état de fait est particulièrement sensible non seulement sur le plan de la cohésion de la Nation, mais aussi sur celui du pouvoir régalien du contrôle sur l’argent tels que battre monnaie et réguler la circulation de l’argent sur son territoire national. Ces deux aspects ont entraînés une crise globale qui a provoqué un affaiblissement de la souveraineté étatique, et par là, le développement d’autres formes d’unités politiques selon le principe, que toute source de pouvoir abandonnée est reprise par un autre acteur car l’espace politique est un espace qui a « horreur du vide » (« horror vacui »).

Bien évidemment, il n’y a pas de réponses claires et définitives à ces questions, mais il a paru intéressant d’analyser ce processus de crise de l’Etat-nation pour essayer de comprendre les origines et le développement de ce phénomène.

 

LE ROLE DES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION DANS LA CRISE DE L’ETAT-NATION

Le développement des technologies de communication a favorisé un phénomène de globalisation culturelle. Les services téléphoniques et informatiques sont devenus un élément de plus en plus central dans la vie des individus, les médias se sont développés et leur couverture est désormais mondiale. Cela a permis aux individus de créer des groupes sociaux au-delà des frontière nationales : les émigrants pouvaient désormais avoir des liens quotidiens avec ceux qui étaient restés et, en même temps, il devenait aussi possible d’instaurer des liens étroits de communauté de pensée avec d’autres individus sans besoin de se déplacer ni même de se connaître. Le développement des technologies de la communication, petit à petit, a provoqué un bouleversement culturel : le sentiment d’appartenance à une nation liée au lieu géographique que l’on habite, s’affaiblissant face à celui plus séduisant d’intégrer un groupe, certes plus restreint et dématérialisé mais semblant correspondre davantage à ses aspirations.

En 1962, les Etats-Unis ont lancé le premier satellite de télécommunication. Mais c’est dans les années 70 que les technologies de communications satellitaires sont sorties du domaine expérimental et militaire pour s’ouvrir au grand public améliorant les capacités d’information au profit, par exemple, des chaînes de télévision et de la téléphonie internationale. C’est, par exemple, grâce aux services de télécommunications spatiales que les chaînes de télévision ont pu transmettre des informations provenant de tout le monde en temps réel. En parallèle, le développement des fibres optiques a permis de s’échanger une quantité croissante d’information dans les réseaux de télécommunications. Cela a été un premier pas vers la globalisation. En effet, le développement des réseaux a favorisé la diffusion des outils de communication privée et de masse permettant ainsi d’avoir connaissance de ce qui se passait dans le monde entier et d’établir des communication point à point en temps réel.

En 1970, la société Intel a créé le premier microprocesseur. Cette technologie a permis la miniaturisation des systèmes de mémoire et de gestion des informations et a facilité le développement et la diffusion des technologies informatiques. Grâce à cette invention, en 1976, le premier ordinateur Apple I a vu le jour. En 1977, les informaticiens ont imaginé qu’un disque de mémoire interne à l’ordinateur était nécessaire. Steve Wozniak, un des deux fondateurs de la société Apple, développât le Disk II et le système d’exploitation DOS (Disk II Operating System) qui permettait d’enregistrer les données et de faire tourner des programmes. L’ordinateur Apple DOS 3.1, mis en vente en 1978, fut le premier ordinateur ayant ces caractéristiques. En 1981, la société IBM a commercialisé l’IBM PC, où l’acronyme PC signifie Personal Computer, c’est-à-dire l’ordinateur personnel. Désormais on pouvait avoir des systèmes d’information à la maison pour aider dans la gestion des affaires familiaux, pour jouer, pour stocker des informations, etc. Le développement d’interfaces utilisateurs de plus en plus faciles, la miniaturisation et la multiplication de programmes utiles (de traitement de texte, de feuilles de calcul, de gestion d’images, etc.) et ludiques ont permis la diffusion des ordinateurs de façon de plus en plus large.

En 1970, un réseau de communication entre les ordinateurs de l’University of California Los Angeles (UCLA), de la Stanford University, de la Santa Barbara University et de l’University of Utah à Salt Lake City a été mis en service avec des ordinateurs du DoD. Ce réseau a été appelé ARPAnet et il est passé de 4 à 23 ordinateurs en 1971, et à 111 en 1977. Cette idée a été reprise par plusieurs instituts universitaires dans le monde, dont le Centre Européen de Recherche Nucléaire (CERN) à Genève.

En 1991, l’ARPA sépare officiellement le réseau militaire du réseau commercial et universitaire. Les particuliers sont désormais libres de se connecter à ce réseau. En 1999, Internet comptait environ 50 millions d’ordinateurs connectés.

Il est alors possible à tout individu de mettre à la disposition du monde entier les informations qu’il souhaite. De plus, les individus peuvent créer des réseaux identitaires ou d’intérêts sans passer par des institutions étatiques, ce qui affaiblit le lien entre l’individu et l’Etat. En effet, ces innovations technologiques ont permis une globalisation culturelle, qui s’est développé en parallèle de la globalisation économique et financière.

 

LE ROLE DE L’ECONOMIE ET DE LA FINANCE DANS LA CRISE DE L’ETAT-NATION

Dans les années 70, on assiste aussi à des bouleversements économiques et financiers : la crise du système de Bretton-Woods, l’excès de dollars sur le marché, la crise du pétrole des années 1973-1974 et l’augmentation des prix ont favorisé l’internationalisation des marchés financiers et ont conduit à la fin du système d’échanges fondé sur des taux fixes. Les États occidentaux ont alors dû mettre en œuvre des politiques économiques sans qu’ils puissent en contrôler le financement. Cette situation a entraîné un phénomène de course-poursuite entre la dévalorisation de l’argent et la nécessité de sa revalorisation, que l’on a appelé stagflation. Dans ce contexte, afin de maximiser leurs profits, les entreprises ont réduit leurs coûts en licenciant du personnel et en investissant sur l’automatisation de la production. En même temps, pour sortir de la crise, les États ont adopté des politiques de plus en plus libérales. Ils ont cherché à attirer les capitaux nomades. En conséquence, les instituts privés ont ainsi acquis un pouvoir de plus en plus important sur certaines économies nationales. Avec la signature de l’Uruguay Round et la création de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), en 1995, les marchés financiers ont pris conscience du fait qu’ils étaient désormais totalement indépendants. Cela a permis à ces acteurs économiques d’acquérir le rang d’acteurs internationaux et à des acteurs criminels de pouvoir blanchir leur argent sans limitation de frontières. Par exemple, aujourd’hui « il y a quelque 700 000 transferts télégraphiques portant sur environ 2000 milliards de dollars chaque jour dans le monde » et tous ne viennent pas des Etats-nations : il s’agit des opérations quotidiennes d’entreprises internationales, mais aussi et surtout des opérations de blanchissement d’argent des organisations terroristes et criminelles.

En même temps, un autre phénomène a contribué à affaiblir les Etats : des mouvements non-étatiques d’opposition commencent à s’organiser de façon de plus en plus transnationale et là aussi on assiste à l’émergence de nouvelle « unité politiques » capable de définir un ennemi commun et de ressembler un groupe humain autour d’une notion « amicus-hostis ».

 

LE ROLE DES ORGANISATIONS NON ETATIQUES DANS LA CRISE DE L’ETAT-NATION

A côté de l’internationalisation des entreprises, de la dématérialisation de la monnaie (pouvoir essentiel de l’Etat-nation), on assiste à l’émergence d’acteurs capables de déterminer l’ennemi commun d’un groupe social.

Entre 1969 et 1975 on assiste à la prise du pouvoir du Fatah au sein de l’Organisation pour la Libération de la Palestine (OLP), aux attentats de l’Ulster Volunteer Force (UFB) qui, en 1969, provoquent la renaissance de l’Irish Republican Army (IRA), à plusieurs détournements d’avions conduits par le Front Populaire de Libération de la Palestine (PFLP), à l’attentat de l’organisation palestinienne Septembre noir à Munich lors des Jeux Olympiques (1972), aux premières actions des Brigades Rouges, aux premiers attentats de l’Euskadi Ta Askatasuna (ETA) en Espagne, à la naissance du terrorisme corse, etc... Pour contrer ces phénomènes, les Etats-nations s’organisent aussi. C’est en 1976 que le Groupe de Trevi, une cellule de coopération européenne en matière d’antiterrorisme, a été créé. Cet accord a permis la mise en place des premiers Officiers de liaison des forces de police, chargés de favoriser les échanges d’informations dans le but d’augmenter l’efficacité des actions contre toutes les formes possibles de terrorisme.

Dans tous les cas, comme l’affirment justement Bertrand Badie et Marie-Claude Smouts, « n’ayant plus le monopole de la violence, il [l’Etat] n’a plus la même crédibilité en matière de sécurité. Incapable d’endiguer cette dissémination des actes violents […] il est de plus en plus soupçonné d’impuissance et d’inadaptation, tant par l’opinion publique que par les acteurs privés […] qui sont les plus visés par l’acte terroriste. De ce fait même, le pacte hobbesien tend à se décomposer, l’obéissance civile risquant d’en faire les frais la première. ».

 

LE ROLE DU DROIT INTERNATIONAL DANS LA CRISE DE L’ETAT-NATION

Sur un plan du droit international, d’après la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 seul les Etats peuvent conclure des traités, en sachant que ces documents jouent un rôle fondamental dans les relations internationales car ils sont source du droit international et moyen de développer la coopération pacifique entre les nations, quels que soient leurs régimes constitutionnels et sociaux. Mais, si sur un plan strictement juridique les Etats-nations sont les seuls acteurs des relations internationales, cela n’est plus vrai si on analyse la scène internationale avec le regard d’un historien, d’un politologue ou d’un économiste. Il existe désormais d’autres entités – en dehors des Etats nation – qui peuvent être identifiées comme unités politiques, car elles ont la capacité d’identifier l’hostis et d’utiliser la force contre lui. A côté des Etats-nations tels que la France, la Chine, la Malaisie, Singapour et les Etats-Unis, de leurs alliances et des organisations internationales (Nations Unies, Union Européenne, etc.), d’autres acteurs, tels que les entreprises multinationales, les grands groupes de médias et les organisations terroristes et criminelles, jouent un rôle important dans la politique internationale. En outre, certaines des organisations internationales sont désormais ouvertes aussi à des acteurs non étatiques. Par exemple les membres de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) ne sont pas seulement des Etats-nations mais aussi des organisations provenant du secteur privé.

Le fait qu’aujourd’hui il existe d’autres unités politiques que les Etats-nations n'est pas sans conséquence sur la manière de gérer et d’appréhender les relations internationales. En effet, l'émergence de ces nouvelles entités vient concurrencer l'Etats-nations en offrant une alternative à ses membres quant à leur choix d'appartenance à une communauté. Il paraît donc important de les identifier et de les caractérisant en première approche selon les objectifs qu'elles poursuivent.

 

CONCLUSIONS

Nous pouvons distinguer des unités politiques qui poursuivent des objectifs essentiellement économiques. Leur objectif principal est d’augmenter leur ressource financière à travers la transformation de matière première en produit. Il s’agit des entreprises mais également des mafias et des cartels criminels qui recourent à tous les échanges illégaux de biens ou de services que sont le trafic de drogue, la vente illégale d’armes, la contrebande, la prostitution, le recel, le trafic d’influence, etc. Ces activités obéissent à des mécanismes du marché, c’est-à-dire à la loi de l’offre et de la demande.

A côté des acteurs économiques, on trouve des acteurs qui cherchent à exercer un contrôle de la vie sociale des individus que ce soit par une influence politique ou spirituelle. On peut distinguer des acteurs dont l'objectif principal est l’acquisition d'un pouvoir politique national ou international. Il s’agit d’organisations ou états qui recherchent une certaine souveraineté. Ces acteurs adopteront alors, soit une démarche prosélyte visant à se faire connaître du plus grand nombre à travers leur objectif, soit au contraire de masquer leur objectif d'influence sous des prétextes de nature idéologique, sociale ou religieuse. Les organisations religieuses sont un excellent exemple de la diversité des unités politiques, des activités qu'elles affichent et de leurs objectifs finaux : certaines cherchent sincèrement à aider les gens, d'autres profitent de leur capacité d’emprise pour atteindre des objectifs autres tels que leur propre richesse, leur pouvoir ou tout autre objectif plus ou moins utopiste.

 

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