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Le jardin de Minerve
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  • Quand la géopolitique et la stratégie militaire sont vues avec les yeux d'une femme... J'ai 20 ans d'expérience professionnelle dans ces domaines et un doctorat sur les conflits asymétriques. Libre utilisation des informations mais citez ce blog.
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16 janvier 2019

ETAT-NATION ET UNITE POLITIQUE

 

IDEE CLE : Historiquement les seules unités politiques sont les Etats-nations. Aujourd'hui ce n'est plus le cas. Qui sont-ils ces nouveaux acteurs? Que veulent-ils?

 

L’Etat-nation est un système politique qui se caractérise par une dépersonnalisation du pouvoir[1] et par l’existence d’un contrat social[2] qui donne aux institutions politiques le monopole légitime[3] de l’utilisation de la force et de la coercition[4]. L’individu, en tant que citoyen, doit sa loyauté en premier lieu aux institutions de l’Etat-nation, avant toute autre organisation ou corporation, y compris sa famille ou sa religion[5]. C’est pour ces raisons que Schmitt définit l’Etat-nation comme la seule unité politique, c'est-à-dire qui a autorité pour désigner une autre unité politique comme l’« ennemi collectif » ou hostis et de mettre en œuvre des actions de coercition pour défendre les intérêts collectifs et ce, au nom de l’ensemble de ses membres.

En outre, certaines des organisations internationales sont désormais ouvertes aussi à des acteurs non étatiques. Par exemple les membres de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT)[6] ne sont pas seulement des Etats-nations mais aussi des organisations provenant du secteur privé[7].

Nous avons mis en évidence qu’aujourd’hui il existe d’autres unités politiques que les Etats-nations. Cela n'est pas sans conséquence sur la manière de gérer et d’appréhender les relations internationales. En effet, l'émergence de ces nouvelles entités vient concurrencer l'Etats-nations en offrant une alternative à ses membres quant à leur choix d'appartenance à une communauté. Il paraît donc important de les identifier et de les caractérisant en première approche selon les objectifs qu'elles poursuivent.

Nous pouvons distinguer des unités politiques qui poursuivent des objectifs essentiellement économiques. Leur objectif principal est d’augmenter leur ressource financière à travers la transformation de matière première en produit. Il s’agit des entreprises mais également des mafias et des cartels criminels[8] qui recourent à tous les échanges illégaux de biens ou de services que sont le trafic de drogue, la vente illégale d’armes, la contrebande, la prostitution, le recel, le trafic d’influence, etc. Ces activités obéissent à des mécanismes du marché, c’est-à-dire à la loi de l’offre et de la demande.

A côté des acteurs économiques, on trouve des acteurs qui cherchent à exercer un contrôle de la vie sociale des individus que ce soit par une influence politique ou spirituelle. On peut distinguer des acteurs dont l'objectif principal est l’acquisition d'un pouvoir politique national ou international. Il s’agit d’organisations ou états qui recherchent une certaine souveraineté. Ces acteurs adopteront alors, soit une démarche prosélyte visant à se faire connaître du plus grand nombre à travers leur objectif, soit au contraire de masquer leur objectif d'influence sous des prétextes de nature idéologique, sociale ou religieuse.

On trouve ensuite des organisations de type caritatif qui ne servent pas leur intérêt propre, mais recherchent l'amélioration des conditions de vie des individus en agissant sur des ressources matérielles sous forme d'aides financière ou matérielle ou immatérielle en participant à l'effort d'instruction.

Les organisations religieuses sont un excellent exemple de la diversité des unités politiques, des activités qu'elles affichent et de leurs objectifs finaux. Certaine de ces organisations ne présentent pas un danger pour les individus mais, au contraire, cherchent sincèrement à l’aider dans son épanouissement personnel et social. D'autres, en revanche, cherchent à les utiliser à leurs profits par coercition ou manipulations soit dans un but politique comme certains groupes fondamentalistes, soit financiers comme les sectes. Cet aspect protéiforme impose de manipuler les objectifs de ces acteurs avec précaution, puisqu'ils peuvent adopter ponctuellement un comportement d'acteur économique pour assurer la réalisation d'un objectif caritatif ou politique ultérieur.

Le tableau ci-dessous nous permet de présenter une liste non exhaustive des acteurs de la scène internationale en fonction de leurs objectifs principaux :

Acteur international

Objectif

Etat-nation   démocratique

Politique

Etat-nation   non-démocratique

Politique

Organisation   internationale gouvernementale

Politique

Organisation non   gouvernementale

Caritatif

Parti ou   mouvance politique[9]

Politique

Entreprise   multinationale

Economique

Organisation   religieuse Organisation sectaire ou fondamentaliste

Politique ou   Economique ou Caritatif

Organisation   terroriste

Politique

Organisation   criminelle

Economique

Mouvements   insurrectionnels armés

Politique

Tableau : Une classification possible des acteurs internationaux contemporains.

 



[1]           Le pouvoir est lié à la fonction occupée par la personne et non pas à la personne elle-même. Par exemple, en France c’est la fonction de Président de la République qui donne le droit de dissoudre l’Assemblée Nationale.

[2]           La notion de contrat social est un des piliers du système Etat-nation. On peut citer, parmi les ouvrages qu’il est possible de consulter sur la problématique de l’Etat-nation et du contrat social, les suivantes : Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, 2 vol., Hatier, Paris, 1999 (édition originale de 1762), Domenico Fisichella Lineamenti di Scienza Politica. Concetti Problemi Teorie, La Nuova Italia Scientifica, Rome, Italie, 1988 ; Gianfranco Miglio, Le regolarità della politica, 2 voll. Giuffré, Milan, Italie, 1988 ; Gianfranco Pasquino, Manuale di Scienza della Politica, Il Mulino, Boulogne, Italie, 1986 et Jean Baudoin, Introduction à la Science Politique, éd. Mementos, Paris, 1998.

                        [2] Paolo Farneti, Lineamenti di Scienza Politica, Franco Angeli, Milan, Italie, 1990, pp. 23-25 et pp. 53-55.

[3]           C’est-à-dire que les citoyens ont volontairement cédé aux institutions politiques le pouvoir d’utiliser la violence pour résoudre leurs conflits.

[4]           Max Weber, Politik als Beruf (La politique comme profession), publié dans une édition en italien La Politica come professione, Il Mulino, Boulogne, Italie, 1990.

[5]           Voir la définition d’État-nation dans l’ouvrage de Paolo Farneti, Lineamenti di scienza della politica, Franco Angeli, Milan, Italie, 1990, p. 56, mais aussi dans Norberto Bobbio, Nicola Matteucci et Gianfranco Pasquino, Dizionario di politica, UTET, Turin, Italie, 1992.

[6]           Le 17 mai 1865, après deux mois et demi de négociations serrées, la première Convention télégraphique internationale était signée à Paris par les 20 membres fondateurs et l'Union télégraphique internationale était créée pour permettre d'amender ultérieurement ce premier accord. Faisant suite à l'essor de la téléphonie, pour laquelle un brevet avait été déposé en 1876, l'Union télégraphique internationale (UTI) a entrepris dès 1885 d'élaborer une législation internationale en ce domaine. La Conférence radiotélégraphique internationale de 1927 a, pour la première fois, attribué des bandes de fréquences aux divers services de radiocommunication existant à l'époque afin d'améliorer l'efficacité d'exploitation, compte tenu de la multiplication des services de radiocommunication et des particularités techniques de chacun d'entre eux. Depuis ceci est une des missions clef de l’UTI. A la Conférence de Madrid de 1932, parmi les différents accords approuvés, l’UTI change de nom pour devenir l'Union internationale des télécommunications. Aujourd'hui, l’UTI est une des organisations satellite des Nations Unies. Les raisons qui ont conduit à sa création de l'Union sont toujours valables et les objectifs fondamentaux de l'organisation restent à peu de chose près les mêmes. (Pour plus d’informations on peut consulter le site Internet : http://www.itu.int/home/)

[7]           Pour plus d’informations concernant la liste des membres de l’UTI, il est possible de consulter l’adresse Internet suivant :
http://www.itu.int/cgi-bin/htsh/mm/scripts/mm.list?_search=SEC&_languageid=2

[8]           Mafia et cartels criminels ne sont pas la même chose. La prémière se caractérise par une forte culture traditionnelle, dont l’organisation hiérarchique est fondée sur des liens familiaux. En revanche, les cartels intègrent une logique fortement capitaliste et une organisation managériale dans laquelle les liens familiaux ont une importance moindre, voire inexistante.

[9]           Certains partis o movances politiques sont des acteurs internationaux, comme par exemple les altermondialistes.

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