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Le jardin de Minerve
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  • Quand la géopolitique et la stratégie militaire sont vues avec les yeux d'une femme... J'ai 20 ans d'expérience professionnelle dans ces domaines et un doctorat sur les conflits asymétriques. Libre utilisation des informations mais citez ce blog.
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16 février 2019

Défis non-militaires de niveau stratégique

Bien que les menaces militaires classiques, émanant de systèmes politico-militaires potentiellement hostiles, existent encore, les dangers les plus grands viennent des organisations – définies par la presse comme «nouvelles menaces» - qui défient et sapent la souveraineté des acteurs traditionnels des relations internationales. En réalité, certaines de ces menaces existaient déjà pendant la Guerre Froide, comme par exemple la criminalité organisée et les organisations terroristes. En conséquence, il vaut mieux employer l’expression de Jean-Marc Balencie[1] «défis[2] non-militaires[3] de niveau stratégique[4]» pour définir ces défis mondiaux post-Guerre Froide[5]. À ce titre, le cas des Talibans nous paraît exemplaire. A l’origine, ils ont été entraînés et financés par les États-Unis dans le but de lutter contre l’Union Soviétique en Afghanistan et se sont ensuite retournés contre leurs anciens alliés.

Ces «défis non-militaires de niveau stratégique» se caractérisent le plus souvent comme étant transnationaux, déterritorialisés et fondés sur une organisation en réseaux[6]. Ils disposent d'appuis souvent occultes[7] et de moyens financiers importants, comme dans le cas de la criminalité organisée. Ils peuvent viser la déstabilisation politique. C’est le cas du terrorisme des mouvements nationalistes, religieux ou pseudo-religieux. Mais ils peuvent également aggraver des phénomènes de nature sociale et économique, tels que les flux migratoires, l’insécurité alimentaire, etc.[8].

À cause de leur pluralité et de leur versatilité, ces menaces s’insinuent imperceptiblement dans le quotidien de la population, des entreprises, des institutions et dans tous les rouages de la société. Elles touchent à l'intégrité du tissu social, aux libertés fondamentales et mettent en danger la stabilité des États. Les services de sécurité évoquent aussi un scénario dans lequel les nouveaux acteurs internationaux pourraient être pourvus d’armes de destruction massive[9]. Il n’existe alors pas de possibilité de dissuasion : non seulement l’ennemi est déterminé, mais aussi il n’a rien à perdre. C’est dans ce sens que l’on évoque la dissuasion du fort au fou[10].



[1] Jean-Marc Balencie est un analyste du Sécretariat Général à la Défense Nationale (SGDN).

[2] Thomas R. Wilson (vice-Admiral, Director of the DIA), Global Threats and Challenge Thought 2015, Statement for the Record, Senate select Committee on Intelligence, 7 February 2001, Washington, USA. Pour plus d’information voir Vector 21. Defense Intelligence Agency Strategic Plan, 1999-2000, Washington, USA, disponible sur le site Internet www.dia.mil. Le document était disponible à la date du 14 juin 2000.

[3] Dans le sens qu’il ne s’agit pas des menaces militaires traditionnelles.

[4] La «stratégie» est considérée comme la partie de la science militaire qui concerne la conduite de la guerre (Le Robert, Dictionnaire, Paris, 1996). Dans le domaine des professionnels de la défense, elle est considérée comme le niveau auquel chaque décision a des conséquences au niveau politique, économique et au niveau de l’emploi des forces.

[5] Jean-Marc Balencie, La Défense face aux défis et menaces non militaires de caractère stratégique, Les Cahiers du CHEAr, N° 36 printemps 1997, DGA, Paris, p. 63.

[6] Il s’agit d’une organisation fondée sur un siège central qui contrôle des pôles, qui eux-mêmes gèrent des cellules et ainsi de suite. La particularité est la très forte étanchéité entre les différents niveaux hiérarchiques et parallèles. Cela permet de maintenir en vie une organisation même si les plus hautes autorités ont été touchées ou même si une partie a été anéantie.

[7] Certains Etats soutiennent ces groupes en leur offrant un lieu où s’installer, s’entraîner, etc.

[8] Jean-Marc Balencie, La défense face aux défis et menaces non militaires de caractère stratégique, Les Cahiers du CHEAr N° 36 printemps 1997, DGA, Paris, pp. 68-71.

[9] Pour avoir plus d’informations concernant les dangers liés à la prolifération de la part d’acteurs non-étatiques, nous suggérons les ouvrages suivants : Xavier Raufer, Dictionnaire technique et critique des nouvelles menaces, PUF, Paris, 1998; Martin Van Creveld, The Transformation of War, The Free Press, New York, USA, 1990; Jean-Marc Balencie, La défense face aux défis et menaces non militaires de caractère stratégique, Les Cahiers du CHEAr N^ 36 printemps 1997, DGA, Paris; Thomas R. Wilson (vice-Admiral, Director of the DIA), Global Threats and Challenge Thought 2015, Statement for the Record, Senate select Committee on Intelligence, 7 February 2001, Washington, USA; Vector 21. Defense Intelligence Agency Strategic Plan, 1999-2000, Washington, USA et État Major des Armées, Division Emplois, Instruction 1000. Doctrine interarmées d’emploi des forces en opération, EMA, Paris, 1999.

[10] Il s’agit d’une notion qui résume bien la situation d’asymétrie entre les acteurs. Cette expression a été utilisée par plusieurs experts dans le domaine des armes de destruction massive, qui ne souhaitent pas être cités. Dans ce cadre, nous avons choisi de ne pas approfondir la thématique de la prolifération : il s’agit d’un thème très sensible et qui risquerait de transformer cette thèse en un travail classifié.

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