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Le jardin de Minerve
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  • Quand la géopolitique et la stratégie militaire sont vues avec les yeux d'une femme... J'ai 20 ans d'expérience professionnelle dans ces domaines et un doctorat sur les conflits asymétriques. Libre utilisation des informations mais citez ce blog.
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17 janvier 2019

Pouvoir, puissance, force et violence

EN SYNTHESE: Cet article vise à définir les concepts de pouvoir, puissance, force et violence. Ils sont des concepts clé dans le cadre des relations internationales qui, aujourd'hui, se caractérisent par la présence de plus en plus significative d'acteurs non étatiques.

 

Pour atteindre leurs objectifs et plus précisément imposer leur volonté, les unités politiques sont amenées à conduire des actions coercitives. Certains auteurs, tels que Fisichella, proposent de les distinguer selon que l’acteur international soit ou pas un Etat-nation. Ainsi, d’après cet auteur, un état nation met en œuvre sa puissance, tandis que tous les autres acteurs font montre de violence. Il part en effet du principe que seuls les états possèdent le monopole légitime de la force et la souveraineté, c’est-à-dire la capacité de définir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.

 

Cette distinction reste discutable dans le contexte que nous avons choisi, car elle conduit à classer les unités politiques non étatiques comme des acteurs violents. C’est pour éviter ce manichéisme que nous avons préféré retenir notre typologie identifiant chaque acteur comme ponctuellement « puissant », « trublion » ou « opportuniste ». Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’identifier deux sous-critères pour chacune de ces catégories, suivant que l’unité politique est un Etat-nation reconnu de ses pairs ou non.

 

En imposant leur volonté, les unités politiques font la preuve de leur pouvoir. Si l’on reprend la typologie proposée ci-dessus, ce pouvoir repose sur un ensemble de caractéristiques complémentaires, de capacités que nous pourrons également utiliser plus tard pour évaluer le pouvoir relatif de plusieurs unités politiques. Le pouvoir, n’est par essence mesurable que lorsqu’il a été confronté à un autre pouvoir. Un pouvoir dans l’absolu n’a aucune signification. Une unité politique dispose d’un pouvoir sur une autre que s’il en a fait la preuve ou si cette autre en est persuadée, ce pouvoir est alors pour elle une évidence voire une réalité.

 

La distinction entre ressources matérielles et immatérielles permet d’étendre cette notion à des valeurs comme la volonté, ou l’organisation. Le pouvoir est donc bien une réalité, il réside donc dans des moyens plus ou moins comptables, mais également dans ce qui leur donnent leur efficacité, c’est-à-dire, la volonté, la décision et l’organisation.

 

On distinguera donc la force qui représente les moyens dont dispose une unité politique, soient les ressources matérielles, humaines et la connaissance, et des critères de puissance qui eux, permettent la mise en œuvre de la force, c’est-à-dire la volonté, l’organisation et la décision.

 

Ces définitions posées, il devient possible d’établir une typologie des types d’actions coercitives en en étudiant les points d’application suivant que l’on désire s’attaquer aux facteurs de force ou de puissance.

 

Une première approche nous est fournie par Fisichella qui se base sur les points d’application de la force et abouti au classement suivant :

 

  • Actions psychologiques, quand on vise à déstabiliser l’adversaire en utilisant la force sur un plan immatériel, en agissant sur les symboles et sur les besoins émotionnels des individus et des communautés. Ces actions visent les moyens immatériels.

 

  • Actions matérielles, quand on vise à déstabiliser l’adversaire à travers des actions sur les biens matériels en les endommageant ou en les détruisant.

 

  • Actions physiques, quand on vise à déstabiliser l’adversaire à travers des actions contre les individus ou la société auxquels on veut imposer sa volonté.

 

 

Cette typologie nous permet de retrouver les catégories de facteurs de pouvoir définies plus haut soient les capacités matérielles, immatérielles et humaines. Cependant, cette typologie ne prenant pas en compte la notion d’intensité dans l’usage de la violence, elle ne nous paraît pas suffisante pour modéliser les modes d’action des acteurs internationaux.

 

Jean-Loup Francart quant à lui, propose une typologie de la mise en œuvre de la force en définissant quatre niveaux d’intensité, qu’il base sur le niveau maximal de destruction dans les rangs de l’adversaire que s’autorise l’acteur qui décide d’avoir recours à la violence pour atteindre son objectif.

 

Le premier niveau consiste en une « violence psychologique » qui s’exerce à travers l’exclusion ou le mépris. Elle ne se caractérise pas par des actes de destruction physique. Elle vise l’ensemble des membres de l’unité politique adverse. Le deuxième niveau consiste en une violence sporadique qui voit des actes de destruction physique ou d’atteinte à l’intégrité des personnes conduites de façon ponctuelle et selon des motivations variées qui ne sont donc pas héritées d’un discours prosélyte. Le troisième niveau consiste en une violence ciblée, qui est dirigée exclusivement contre un groupe ou une organisation toujours pour la même raison. A ce stade, ce sont généralement les membres actifs de l’unité politique adverse qui sont visée. Le quatrième niveau consiste en la violence aveugle, qui débouche sur des actes de destruction ou d’atteinte à l’intégrité physique des personnes, sans une cible précise mais visant la société entière, c'est-à-dire aussi bien les membres actifs que les membres en charge du soutien.

 

A partir de ces deux analyses, nous pouvons proposer la classification suivante qui définit trois stades de violence en fonction de deux paramètres que sont le niveau d’organisation de l’action violente et l’étendue des cibles potentielles.

 

  • Le premier stade : utilisation de la force non organisée. Elle caractérise une situation dans laquelle les acteurs recourent à la force mais ne planifient pas leurs actions. Il s’agit, par exemple, de la violence des foules, des psychopathes ou bien, d’une réaction à une agression ou encore, des actions de la petite délinquance.

 

  • Le deuxième stade : utilisation de la force d’une façon organisée et strictement ciblée. Les acteurs choisissent la cible, les moyens et le moment de l’action avec beaucoup d’attention. Ce souci peut être lié soit pour respecter le principe de concentration des efforts ou par souci d’économie des moyens, de siens comme ceux de l’adversaire. L’acteur cherche alors à maximiser l’efficacité du peu de moyens dont il dispose soit pour limiter les éventuels dommages collatéraux pour rester conforme à des considérations morales ou au droit international. Il s’agit respectivement des modes d’action terroristes et des frappes dites « chirurgicales » des Etats les plus avancés technologiquement.

 

  • Le troisième stade : utilisation de la force d’une façon organisée et non ciblée. Il s’agit d’une situation de violence généralisée qui caractérise de conflits qui opposent deux unités politiques qui luttent pour leur survie. La deuxième guerre mondiale ou certaine guerres civiles en sont des exemples.

 

 

Le tableau suivant synthétise cette typologie :

 

 

Utilisation de la force d’une façon non organisée

 

 

Utilisation de la force d’une façon organisée et strictement ciblée

 

 

Utilisation de la force d’une façon organisée et non ciblée

 

 

Actions sur les capacités

 

 

Entraver temporairement l’adversaire

 

Neutraliser l’adversaire pour une durée variable

 

Contraindre l’adversaire à cesser la lutte faute de moyens matériels

 

Actions sur la volonté

 

 

Détourner l’attention de l’adversaire

 

Action externe :

Isoler une communauté au sein d’un groupe

Action interne :

Dénigrer les bases culturelles et fédératrices de cette communauté.

 

Contraindre l’adversaire à cesser la lutte faute de ressources immatérielles

 

 

Tableau : Tableau récapitulatif des modes d’actions possibles des acteurs internationaux d’après l’auteur.

 

 

 

A partir de notre modèle d’interprétation des relations internationales, nous mettons ainsi en relation le point d’application du mode d’action de l’acteur qui peut être soit la volonté soit une capacité, avec les trois niveaux de violence identifiés.

 

Sur un plan international, le développement des TIC a rendu certaines réglementations désuètes et ont encouragé ouverture et déréglementation en se jouant de barrières nationales qui n’ont pu résister ni à la prouesse technique ni aux baisses des coûts de communication et de transmission des informations. Les TIC ont aussi favorisé une dynamique de constitution de réseaux internationaux qui change aussi la façon de concevoir l’économie.

 

En parallèle, la mondialisation et le progrès technique portent en germe, sur le plan politique, leur propre faiblesse, liée à l’ambivalence de l’interdépendance. D’une part, ils apportent des bénéfices mais, d’autre part, ils génèrent aussi des coûts d’ajustement susceptibles de créer des tensions et des conflits. Il paraît donc nécessaire de les ancrer dans un système politique. Or ce dernier sera d’autant plus difficile à mettre en place que le morcellement politique sera important. Cette tension est aujourd’hui au cœur de la mondialisation et des problèmes de gouvernance mondiale.

 

En même temps, nous avons mis en évidence que les TIC contribuent à la crise du système Etat-nation et au développement de nouveaux acteurs internationaux qui trouvent dans les TIC les moyens d’obtenir une audience internationale à faible coût. Nous avons souligné à plusieurs reprises que cette évolution modifie la nature de la puissance internationale. En effet, les acteurs non-étatiques n’ont pas la nation comme horizon structurant leurs intérêts, même si nombre d’entre eux s’appuient encore sur des réseaux d’influence nationaux. Les TIC conduisent à une plus grande diffusion de la puissance, et compliquent les relations internationales car désormais des multiples acteurs sont susceptibles d’en revendiquer une partie. Elles rendent ainsi l’interdépendance plus complexe et plus difficile à gérer.

 

Enfin, nous pouvons remarquer que les changements dus aux TIC ne concernent pas la structure du pouvoir des acteurs internationaux, mais les instruments du pouvoir et les risques que cette évolution implique. Les TIC ne changent pas fondamentalement la problématique de la sécurité des acteurs internationaux.

 

Sur un plan politico-militaire, les technologies de l’information et de la communication peuvent influer sur l’intensité d’un conflit, en contribuant à la volonté de ne pas céder face à l’adversaire. Par exemple, avant le développement des TIC la guerre était une question localisée à laquelle seulement une partie très limitée de la population participait directement. Quand Bona Lombarda suppliait les seigneurs italiens pour trouver un aide pour libérer son mari, Pietro Brunoro, tenu en otage par Alphonse d’Aragon, roi de Naples, car, sans lui, elle ne pouvait pas négocier l’engagement de sa compagnie de mercenaires, elle pouvait compter seulement sur elle-même, ses hommes et ses relations personnelles. En revanche, aujourd’hui, elle aurait fait une campagne médiatique pour agir sur la volonté du roi de Naples de garder son mari et pour récolter les fonds nécessaires à sa libération. Elle aurait participé à des émissions à la télévisions, créé un ou plusieurs sites Internet, etc.

 

Dans un autre contexte, certaines actions militaires qui ont décidé le résultat d’une guerre auraient eu des conclusions différentes si les parties avaient eu à la disposition les technologies d’acquisition et de gestion d’information contemporaines : des stratagèmes auraient été déjoués et des renforts seraient arrivés au bon moment, etc. Par exemple, même dans les dernières phases des guerres puniques (3ème siècle av. J.C.) la flotte romaine, qui avait permis d’enlever aux Carthaginois toutes leurs bases espagnoles et qui avait pris pied en Afrique, demeura pourtant incapable d’empêcher Magon de débarquer un corps expéditionnaire sur la Riviera génoise, et d’interdire à Hannibal le retour à Carthage. En revanche, la possibilité de disposer des capteurs capable de surveiller les côtes et des systèmes de communications en temps réel auraient, peut être, empêché le débarquement des Carthaginois dans l’actuelle Ligurie.

 

Afin de vérifier l’intérêt de la typologie développé dans ce chapitre, il nous parait intéressant de l’appliquer à un exemple. Nous avons choisi de représenter certains acteurs de l’attentat du 11 septembre 2001. En particulier, nous avons choisi de représenter les Etats-Unis, comme exemple d’acteur puissant, Al-Qaeda comme exemple d’acteur trublion, et Al-Jazzeera comme exemple d’acteur opportuniste.

 

A partir de ces hypothèses, nous avons appliqué les modèles et émis des hypothèses à propos des différents éléments qui caractérisent le pouvoir de toute unité politique ou organisation. En effet, nous ne considérons pas Al-Jazzeera comme une unité politique.

 

En conclusion la technologie est une des composantes essentielles du pouvoir d’un acteur international. En effet, les moyens techniques permettent d’accroître ses capacités matérielles et améliorent les capacités humaines. Par exemple, un véhicule peut transporter plus de matériel, plus vite et pendant plus longtemps qu’un homme.

 

Ce besoin d’être plus fort que son adversaire entraîne la recherche scientifique, et pendant plusieurs siècles le domaine militaire a été à la pointe de la technologie disponible. Désormais, le développement de nouveaux acteurs internationaux qui ne s’affrontent plus seulement sur un plan militaire mais aussi sur un plan financier a entraîné une modification dans le domaine de la recherche scientifique en mettant à l’avant-garde de la R&D le domaine civil et commercial. Cette affirmation est valable tout particulièrement pour le domaine des TIC.

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Commentaires
C
Pourquoi uniquement "dans le cadre des relations internationales" ?<br /> <br /> Ton texte ne peut-il pas s'appliquer à ce qui se passe actuellement en France ??
Répondre
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